Ce vocabulaire a été spécialement compilé à partir des contenus issus de nos deux versions de la bible École internationale d’été et École internationale d’hiver « Musées en Transition ».
Il a pour vocation de clarifier les termes clés, les concepts émergents et les notions spécifiques qui sont au cœur des réflexions sur l’évolution et les transformations actuelles du monde muséal.
Pour chaque terme, la bibliographie ayant servi à l’élaboration de sa définition est indiquée à la fin de celle-ci.
Thématiques
Écologie des savoirs
L’écologie des savoirs est un concept développé par Boaventura de Sousa Santos dans le cadre de son épistémologie du Sud (2011). Il s’agit d’une approche qui remet en question l’idée d’une hiérarchie unique des connaissances, où la science occidentale moderne et la culture élitiste seraient les seules formes valides de savoir et de production de connaissance (Santos, 2011). Pour comprendre l’écologie des savoirs, il y a quelques points essentiels selon Santos (2011) : Absence de connaissance ou d’ignorance absolue : L’écologie des savoirs part du principe qu’il n’existe pas de connaissance ou d’ignorance dans l’absolu. Toute ignorance est l’ignorance d’un savoir particulier, et toute connaissance triomphe d’une ignorance particulière. Ainsi, acquérir certains savoirs peut en faire oublier d’autres, rendant ignorant de ces autres savoirs. L’ignorance n’est pas nécessairement un point de départ, mais peut être un point d’arrivée. Valorisation des savoirs non scientifiques : L’écologie des savoirs vise à créer
Écomusées
Les écomusées sont un concept muséal qui a émergé en France au début des années 1970, notamment grâce au travail de George Henri Rivière et Hugues de Varine (Borrelli & Dal Santo, 2023). La préparation de la 9e Conférence Générale de l’ICOM (Conseil International des Musées) à Paris et Grenoble a été un moment clé dans la création du terme (Borrelli & Dal Santo, 2023). Cependant, un tournant important a été la Conférence de Lurs (Provence) en 1966, qui a défini une nouvelle manière d’appréhender le patrimoine naturel et culturel en France, conduisant à la création des parcs naturels régionaux qui prenaient en compte la participation et la revalorisation des communautés locales et de leur patrimoine culturel (Borrelli & Dal Santo, 2023). Ces premières expériences sont considérées comme faisant partie de la première génération d’écomusées, souvent liées aux parcs naturels régionaux (Borrelli & Dal Santo, 2023). Entre 1971 et 1974,
Économie Régénérative
L’économie régénérative est présentée comme un concept plus enthousiasmant que la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et l’ESG (Environnemental, Social et Gouvernance) (Dormagen, 2023). Au-delà des contraintes et des approches d’amélioration parfois marginales des pratiques actuelles, l’économie régénérative vise à inventer comment faire des organisations des agents de changement pour le bien commun (Dormagen, 2023). L’idée est que les entreprises qui veulent perdurer devraient s’interroger sur leur utilité fondamentale et développer des pratiques qui non seulement diminuent leurs effets négatifs au maximum, mais surtout augmentent leur contribution positive, pour un plus grand nombre de parties prenantes et sur un terme plus long (Dormagen, 2023). Dans cette optique, les professionnels des RH peuvent influencer significativement la manière dont les entreprises abordent les enjeux sociaux, économiques et environnementaux dans leur chaîne de valeur et tout au long du cycle de durée utile de leurs produits et services (Dormagen, 2023). Agir en faveur
Éthique du Care
L’Éthique du Care, d’après Brugère (2009) est une réflexion qui a émergé aux États-Unis dans les années 1980, notamment avec les travaux de Carol Gilligan, et qui se concentre sur la prise en charge des personnes les plus vulnérables. Joan Tronto a approfondi cette réflexion en soulignant la dimension politique de l’éthique du care, en observant que cette pratique est inégalement répartie selon le genre, la race et la classe sociale (Brugère, 2009). Le terme « care » est difficile à traduire en français car il englobe à la fois la sollicitude et le soin (Brugère, 2009). Il comprend l’attention préoccupée à autrui (une disposition, une attitude) et les pratiques de soin (une activité, un travail) (Brugère, 2009). Joan Tronto propose une définition globale du care comme étant : « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous
Gestion du Développement Durable dans les Musées (GDDM)
La Gestion du Développement Durable dans les Musées (GDDM) selon Garthe (2020) est présenté comme un plan de gestion adapté aux besoins et aux contextes spécifiques des musées et autres institutions culturelles. Au lieu de se concentrer directement sur les objectifs globaux du développement durable, la GDDM met en valeur l’atout spécifique de chaque institution. La GDDM se veut une approche micro et macro basée sur l’engagement de la direction et un processus participatif ouvert, visant à améliorer la réussite du développement durable dans tous les domaines d’un musée. Pour minimiser les changements et faciliter son intégration, la GDDM prend en compte les structures usuelles des activités du musée. Les actions de développement durable sont ainsi organisées et développées en accord avec les différents départements du musée, rendant l’application des Objectifs du Programme 2030 dans le travail quotidien moins complexe. Le plan de GDDM se concentre sur quatre domaines d’action,
Greenwashing
Le terme « greenwashing » se réfère à une pratique où une organisation, comme un musée dans le contexte de la source (Chaumier & Chenevez, 2023), affiche des intentions écologiques ou durables de manière superficielle ou trompeuse, souvent pour améliorer son image publique sans nécessairement apporter de changements significatifs à ses pratiques (Chaumier & Chenevez, 2023). Selon les auteurs Serge Chaumier et Alain Chenevez (Chaumier & Chenevez, 2023), bien que de nombreuses propositions de musées témoignent de bonnes intentions en matière d’environnement, elles finissent souvent par s’apparenter à du « greenwashing » (Chaumier & Chenevez, 2023). Cela se produit lorsque le musée sent qu’il ne peut pas rester inactif face aux enjeux environnementaux, mais choisit une approche d’adaptation qui évite une remise en question frontale et brutale de ses fondements et modes d’action (Chaumier & Chenevez, 2023). Au lieu de transformations profondes, le « greenwashing » consiste à apprendre à faire la même chose qu’avant, mais
Multinaturalisme
Le multinaturalisme est un concept clé introduit par l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, en s’appuyant sur ses travaux auprès des sociétés indigènes d’Amérique du Sud. Il vise à décrire une caractéristique saillante de la pensée amérindienne, en contraste avec les cosmologies « multiculturalistes » modernes occidentales (Gosselin, 2018). Points essentiels pour comprendre le multinaturalisme selon l’article “Le point de vue est dans le corps” de Sophie Gosselin (2018) : Unité de l’esprit, diversité des corps : Contrairement au multiculturalisme occidental qui repose sur l’idée d’une nature unique partagée par de multiples cultures (différents points de vue subjectifs sur une même réalité objective), le multinaturalisme postule une unité de l’esprit ou de l’intériorité entre les différentes espèces (humaines et non-humaines) et une diversité des corps ou de la physicalité. Rupture avec le partage nature/culture : Le multinaturalisme rompt avec la distinction fondamentale entre nature et culture qui est au cœur du
Musée « universel »
Le musée « universel » est un concept qui a permis à l’Occident de mettre en scène un grand récit du monde, dont l’Europe constituait le moteur (Faucourt, 2024). Selon Françoise Vergès dans l’entretien à Pauron (2023), ce modèle de musée est avant tout une invention européenne imposée au reste du monde. Points clés sur le musée « universel » : Vision eurocentrée de l’histoire : Le musée « universel » a imposé des imaginaires imprégnés d’une vision eurocentrée de l’histoire mondiale (Faucourt, 2024). Il a ordonné et hiérarchisé les espaces, les chronologies, les acteurs et les événements selon des catégories de pensée européennes (Faucourt, 2024). L’exposition « Une autre histoire du monde » au Mucem a été initiée pour élargir cette perspective en restituant la diversité des points de vue non européens (Faucourt, 2024). Collection d’objets divers : Le musée « universel » est décrit comme un endroit où l’on trouve dans le même espace des tableaux, des objets,
Musée de société
Le Musée de société est un type d’institution muséale qui se caractérise fondamentalement par un rapport particulier à l’objet, où les collections occupent une place moins centrale que dans les musées plus traditionnels (Provencher St-Pierre, 2022). Malgré cette caractéristique constitutive de leur identité, ces musées « collectionnent néanmoins » (Provencher St-Pierre, 2022), et même les institutions initialement réticentes à l’idée de collection ont « rarement pu y échapper » (Provencher St-Pierre, 2022). Ces musées sont décrits comme étant ouverts au contemporain, sensibles au patrimoine immatériel et orientés par un idéal de musée participatif (Provencher St-Pierre, 2022). Ils sont confrontés quotidiennement aux défis inhérents à la gestion des collections et cherchent un équilibre entre l’idéal et le possible dans leur développement (Provencher St-Pierre, 2022). Au Québec, où ils sont des « acteurs incontournables du paysage muséal » (Provencher St-Pierre, 2022), ils développent majoritairement leurs collections par les « dons » (Provencher St-Pierre, 2022), souvent par manque de budget d’acquisition.
Musée régénératif
Le concept de musée régénératif, tel qu’expliqué par Lucimara Letelier dans l’entretien (Besson & Letelier, 2024), se distingue des notions de durabilité et de développement durable (Besson & Letelier, 2024). Il repose sur la prise de conscience que nous avons atteint l’épuisement des ressources de la planète et qu’il ne suffit plus de minimiser les impacts négatifs ou de faire plus de bien (Besson & Letelier, 2024). L’objectif est de se régénérer, c’est-à-dire de restaurer et de réparer, de participer à des changements sociaux et environnementaux (Besson & Letelier, 2024). Selon Letelier, les musées régénératifs peuvent agir de plusieurs manières (Besson & Letelier, 2024) : Régénérer les territoires, les lieux et les villes, par exemple en travaillant avec les communautés pour la réintroduction d’espèces sauvages à travers la création de jardins potagers ou d’autres projets de préservation de la biodiversité. Changer les systèmes de valeurs en offrant une autre notion