Le concept de « post-musée » est une notion avancée par Françoise Vergès dans son essai Programme du désordre absolu. Décoloniser le musée (Pauron, 2023). Il s’agit d’une proposition pour aller au-delà du modèle occidental de musée, un modèle que Vergès critique sévèrement comme étant une « arme idéologique » et un « dépôt de voleurs » (Pauron, 2023).
Selon Vergès, le « post-musée » ne se limite pas à ce qui est exposé sur les murs (Pauron, 2023). C’est une remise en question profonde de l’institution muséale dans son ensemble, touchant à plusieurs aspects :
- La formation du personnel : Le « post-musée » interroge la signification du terme « historien de l’art » et le contenu de la formation dispensée.
- L’égalité salariale : Il prend en compte les questions d’égalité de salaire au sein de l’institution.
- Un lieu collectif : Le « post-musée » envisage le musée comme un espace collectif où l’opinion de tous les employés, y compris les technicien·nes, est prise en considération. Il remet en cause les processus de recrutement traditionnels, souvent basés sur un « entre-soi incroyable ».
- Réflexion sur l’espace et le récit : Il s’agit de repenser l’aménagement de l’espace et la manière de raconter les histoires. Vergès suggère d’explorer d’autres temporalités et spatialités, de considérer les statuts sociaux et de privilégier les récits collectifs plutôt qu’une forte personnalisation.
- Intégration de performances collectives : Le « post-musée » pourrait intégrer des performances collectives qui viennent perturber le silence traditionnel des musées et offrir d’autres formes d’engagement avec le contenu. Vergès cite l’exemple d’activistes du mouvement « Decolonize This Place » intervenant dans des musées pour dénoncer les visions coloniales et racistes présentées.
- Dépasser la simple conservation : L’idée de conservation, telle qu’elle est imposée par le modèle occidental, est profondément remise en question. Le « post-musée » pourrait explorer d’autres manières de préserver et de transmettre le patrimoine, en accord avec les désirs et les besoins des communautés.
- Nécessité d’une décolonisation sociétale plus large : Vergès souligne que la décolonisation du musée est difficile, voire impossible, si la société elle-même n’est pas décolonisée. Le « post-musée » ne peut être un espace neutre tant que persistent le racisme, l’islamophobie et la dépossession.
En résumé, le « post-musée » représente pour Vergès une nécessité d’inventer un nouveau modèle muséal qui rompt avec les héritages coloniaux et les pratiques inégalitaires du musée occidental. Il s’agit d’un espace plus inclusif, participatif et socialement conscient, où les récits sont pluriels et où la relation avec le patrimoine est repensée en profondeur (Pauron, 2023). Elle ne donne pas de modèle précis, mais invite à une exploration créative et à une remise en question radicale de l’institution muséale actuelle (Pauron, 2023).
Bibliographie :
Pauron, M. (2023, avril 3). Françoise Vergès. « Le musée occidental a été tragique pour les peuples »—Entretien. Afrique XXI. https://afriquexxi.info/Francoise-Verges-Le-musee-occidental-a-ete-tragique-pour-les-peuples