Musée régénératif

Le concept de musée régénératif, tel qu’expliqué par Lucimara Letelier dans l’entretien (Besson & Letelier, 2024), se distingue des notions de durabilité et de développement durable (Besson & Letelier, 2024). Il repose sur la prise de conscience que nous avons atteint l’épuisement des ressources de la planète et qu’il ne suffit plus de minimiser les impacts négatifs ou de faire plus de bien (Besson & Letelier, 2024). L’objectif est de se régénérer, c’est-à-dire de restaurer et de réparer, de participer à des changements sociaux et environnementaux (Besson & Letelier, 2024).

Selon Letelier, les musées régénératifs peuvent agir de plusieurs manières (Besson & Letelier, 2024) :

• Régénérer les territoires, les lieux et les villes, par exemple en travaillant avec les communautés pour la réintroduction d’espèces sauvages à travers la création de jardins potagers ou d’autres projets de préservation de la biodiversité.
• Changer les systèmes de valeurs en offrant une autre notion du progrès et en aidant la société à devenir elle-même régénératrice. Cette connaissance peut contribuer à la restauration des terres et des territoires et mener à la notion de « communs » où la prospérité et l’abondance sont construites collectivement.
• Restituer des objets volés ou pillés en collaborant avec les communautés d’origine pour comprendre les structures écologiques de leurs terres et adapter la présentation de ces objets dans les musées.
• Apprendre les problématiques spécifiques du territoire où ils se trouvent et travailler avec les communautés pour y répondre.

Letelier souligne que le musée régénératif est davantage un état d’esprit qu’une typologie de musée. Il applique au moins certains des sept principes des systèmes vivants (Besson & Letelier, 2024) :

1. Pensée systémique : Adopter une approche holistique du travail culturel, social, économique et environnemental, sans séparer la durabilité environnementale de la durabilité sociale.
2. Potentiel et essence : Reconnaître le potentiel d’un lieu et l’essence d’une organisation pour créer de l’innovation et renforcer l’écosystème. Un musée doit comprendre ce qu’il peut faire pour son territoire et écouter la communauté pour définir des objectifs régénérateurs.
3. Approche développementale : Développer les capacités des parties prenantes à travers les actions entreprises.
4. Réciprocité : Créer un apprentissage mutuel entre le musée et la communauté impliquée.
5. Interdépendance : Comprendre que les visiteurs, le musée, la ville, le pays et la planète forment un système imbriqué.
6. Points essentiels / nodaux : Intervenir sur des points clés pour entraîner une transformation systémique.
7. Concevoir comme la nature : Observer la nature et appliquer ses principes de cycle et d’intégration dans le management et la vie quotidienne, puis au secteur des musées.

Pour développer des compétences dans le domaine des musées régénératifs, Letelier met en avant la nécessité d’un management régénératif, combinant travail intérieur et extérieur, où les professionnels apprennent à faciliter les conversations avec les communautés et à intégrer leurs connaissances et leur sagesse (Besson & Letelier, 2024). Cela implique d’accepter l’incertitude, de développer des compétences comportementales et des objectifs de développement personnel, et de s’exposer à la vulnérabilité (Besson & Letelier, 2024).

Des exemples de musées ayant des actions régénératrices incluent (Besson & Letelier, 2024) :

• Tata Somba au Bénin, qui récupère le savoir communautaire sur la bioconstruction.
• Le musée d’Anzania au Kenya, qui restaure la biodiversité et sert d’espace d’apprentissage de la nature pour les jeunes.
• Le musée de l’université de Manchester, qui a créé un centre climatique, travaille sur la restitution d’objets, réévalue sa gestion des collections en collaboration avec les communautés d’origine, et organise des expositions et des discussions sur le ré-ensauvagement.

Letelier conclut que le musée régénératif consiste à appliquer un « amour radical », une reconnexion entre les humains et la nature, en s’éloignant des connaissances figées pour un travail plus humain et en remettant en question notre relation avec la nature. La régénération est présentée comme un savoir ancestral et biologique qu’il est nécessaire de réactiver face à la destruction de l’environnement (Besson & Letelier, 2024).