L’écologie des savoirs est un concept développé par Boaventura de Sousa Santos dans le cadre de son épistémologie du Sud (2011). Il s’agit d’une approche qui remet en question l’idée d’une hiérarchie unique des connaissances, où la science occidentale moderne et la culture élitiste seraient les seules formes valides de savoir et de production de connaissance (Santos, 2011).
Pour comprendre l’écologie des savoirs, il y a quelques points essentiels selon Santos (2011) :
- Absence de connaissance ou d’ignorance absolue : L’écologie des savoirs part du principe qu’il n’existe pas de connaissance ou d’ignorance dans l’absolu. Toute ignorance est l’ignorance d’un savoir particulier, et toute connaissance triomphe d’une ignorance particulière. Ainsi, acquérir certains savoirs peut en faire oublier d’autres, rendant ignorant de ces autres savoirs. L’ignorance n’est pas nécessairement un point de départ, mais peut être un point d’arrivée.
- Valorisation des savoirs non scientifiques : L’écologie des savoirs vise à créer de la crédibilité pour les savoirs non scientifiques, sans pour autant discréditer le savoir scientifique. Il s’agit de reconnaître qu’il existe de multiples formes de connaissances (ancestrales, populaires, spirituelles, etc.) qui ont leur propre validité et importance.
- Interdépendance des savoirs : Cette approche promeut l’interdépendance et le dialogue entre les connaissances scientifiques et non scientifiques. Le caractère inachevé de tous les types de savoir rend possible un débat épistémologique et un dialogue entre eux, où chaque type de savoir contribue en aidant à dépasser une ignorance donnée.
- Dépassement de l’injustice cognitive : L’injustice sociale est souvent fondée sur l’injustice cognitive, où certains savoirs sont privilégiés au détriment d’autres. L’écologie des savoirs cherche à dépasser cette injustice en reconnaissant et en valorisant une diversité de connaissances. Il ne s’agit pas seulement de répartir plus équitablement la connaissance scientifique, mais de reconnaître les limites de cette connaissance et la nécessité d’établir des rapports d’égalité avec d’autres genres de savoir.
- Utilisation contre-hégémonique de la science : L’écologie des savoirs permet d’utiliser la science moderne d’une manière contre-hégémonique, en explorant des pratiques scientifiques alternatives et en promouvant l’interdépendance avec les connaissances non scientifiques.
- Diversité des connaissances et des ignorances : Les relations entre les êtres humains, ou entre les humains et la nature, recèlent plus d’une seule sorte de connaissance, et donc plus d’une seule sorte d’ignorance.
En résumé, l’écologie des savoirs est une proposition épistémologique qui plaide pour une reconnaissance de la pluralité des savoirs et pour l’établissement de relations d’égalité et d’interdépendance entre eux, en opposition à la monoculture de la connaissance promue par le naturalisme occidental et d’autres formes de pensée hégémoniques. Elle vise à rendre crédibles les savoirs qui ont été historiquement marginalisés ou ignorés par la science occidentale et la culture dominante (Santos, 2011).
Bibliographie :
Santos, B. D. S. (2011). Épistémologies du sud. Études rurales, 187, 21–50. https://doi.org/10.4000/etudesrurales.9351