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Décroissance soutenable

La décroissance soutenable (Sustainable degrowth) est un concept clé présenté dans l’article d’Yves-Marie Abraham (2025) comme un projet politique. Il ne s’agit pas d’une simple récession économique, mais d’une alternative au modèle de la croissance économique infinie, jugée incompatible avec les limites d’une planète finie (Latouche, 2021).

Selon Abraham, le programme de la décroissance soutenable se résume en trois principes fondamentaux (Abraham, 2025) :

  • Produire moins : Cela implique de fixer des limites à ce qui est produit globalement, reconnaissant que la croissance continue de la production et de la consommation est la cause de la dégradation écologique. Contrairement à la « croissance verte », la décroissance soutenable part du principe qu’un découplage absolu entre activité économique et pressions écologiques est peu probable.
  • Partager plus : La réduction de la production doit s’accompagner d’une redistribution des richesses naturelles et artificielles pour éviter une aggravation des injustices sociales. La sobriété, si elle n’est pas liée à un partage accru, risque de se transformer en austérité. Limiter la propriété privée et les écarts de richesse est également envisagé dans cette perspective.
  • Décider ensemble : La décroissance soutenable prône une démocratisation radicale des sociétés et des institutions pour permettre de décider collectivement des limites à respecter en matière de consommation et de production. Cela s’oppose à une approche expertocratique où les décisions sont laissées aux seuls experts. L’autolimitation, définie démocratiquement, est préférée à une sobriété imposée.

Abraham établit un lien étroit entre la décroissance soutenable et une véritable politique de sobriété. La sobriété telle qu’elle est souvent évoquée par les élites politiques est critiquée pour son caractère potentiellement austéritaire et autoritaire, car elle ne s’accompagne pas nécessairement d’une justice sociale ni d’une réelle participation démocratique.

Pour mettre en œuvre les principes de la décroissance soutenable et atteindre l’horizon d’une vraie politique de sobriété, Abraham suggère de combiner quatre perspectives (Abraham, 2025) :

  • La perspective de subsistance : Viser la satisfaction directe des besoins humains plutôt que la production de marchandises capitaliste. Cela implique de favoriser l’autoproduction, l’autoconsommation et l’auto-approvisionnement organisés collectivement pour s’autonomiser par rapport au règne de la marchandise (Abraham, 2025).
  • La perspective low-tech : Privilégier des techniques écologiquement soutenables, accessibles, contrôlables par leurs utilisateurs et soutenant le corps humain plutôt que de s’y substituer.
  • La perspective communaliste : S’appuyer sur des collectifs (communs) qui se constituent pour satisfaire ensemble leurs besoins en partageant les moyens nécessaires et en décidant démocratiquement de leur fonctionnement, en refusant la marchandise capitaliste, la propriété exclusive et les rapports de domination et d’exploitation. La communalisation est le mouvement de mise en partage des richesses pour assurer la subsistance.
  • La perspective biorégionaliste : Encourager la relocalisation de la production et de la vie à l’échelle de territoires cohérents (biorégions) pour favoriser l’autosuffisance, le partage et la prise de décision collective à une échelle plus démocratique. Un biorégionalisme solidaire et ouvert est essentiel pour éviter les dérives exclusionnistes.

Serge Latouche, note que si la décroissance ne concerne pas a priori l’univers des musées, l’argumentaire de la décroissance pourrait donner aux musées la permission de ne pas continuer à se développer indéfiniment et d’envisager d’arrêter ou d’inverser la croissance de leurs collections face aux problèmes de stockage et de conservation (Latouche, 2021). Certains muséologues britanniques ont d’ailleurs exploré la remise en question de l’inaliénabilité des collections dans cette perspective (Latouche, 2021).

La décroissance soutenable est une approche politique qui propose une rupture avec la logique de la croissance économique en prônant de produire moins, de partager plus et de décider ensemble, à travers la mise en œuvre des perspectives de subsistance, low-tech, communaliste et biorégionaliste (Abraham, 2025). Elle se présente comme une alternative plus juste, démocratique et écologiquement viable face à la crise écologique actuelle (Abraham, 2025).

Bibliographie :

Abraham, Y.-M. (2025). La décroissance soutenable comme politique de sobriété. Lien social et Politiques, 93, 22–42. https://doi.org/10.7202/1115786ar

Latouche, S. (2021). Muséologie et décroissance. La Lettre de l’OCIM, 196, 38–43. https://doi.org/10.4000/ocim.4440